Kommentar
La victoire de Le Pen: Faute à la classe politique
Le Front national (FN) vainqueur des élections : à qui la faute ? Même si le pire n’est jamais certain, il va falloir s’habituer à se poser cette question après chaque échéance électorale française. Dimanche 25 mai, ce n’était « qu’un » scrutin européen. Mais si rien ne change, si la France ne réagit pas, Marine Le Pen sera certainement présente au second tour de la présidentielle de 2017 et le FN réalisera un score d’importance aux législatives qui suivront (en supposant que ces deux élections auront bien lieu à la date prévue et qu’elles n’auront pas été avancées pour cause de crise majeure…).
Alors, la faute à qui ? D’abord, et avant tout à la classe politique dite républicaine. Une classe politique en dessous de tout et qui, en ne se montrant pas exemplaire, ne cesse de donner les meilleurs arguments à l’extrême-droite. Une classe politique qui refuse de reconnaître que la situation est des plus graves et qu’il est temps pour elle de se remettre en cause. Arrêtons-nous un instant et faisons le compte de tous les scandales et emballements médiatiques qui ont secoué la France depuis trois ou quatre ans, c’est-à-dire depuis l’aggravation de la crise économique et la multiplication des difficultés sociales auxquelles s’ajoute la peur, parfois irrationnelle mais bien réelle, du déclassement. Affaire DSK, affaire Tapie, affaire Cahuzac, affaire Copé-UMP-Bygmalion… Contrairement à une idée très répandue chez les politiciens mais aussi à l’intérieur des rédactions, ces scandales ne s’effacent pas et l’actualité sans cesse mouvante ne chasse pas leurs fumets pestilentielles. L’électeur a de la mémoire. Il n’oublie rien. Il emmagasine et quand vient l’heure du vote, il a enfin la possibilité de libérer ses ressentiments cumulés.
Les politiciens et leurs grosses affaires, donc… Des sommes astronomiques, des avantages indus, des passe-droits, des comportements moralement répréhensibles quand ils ne sont pas délictueux, des mensonges « les yeux dans les yeux », une morgue, un cynisme et des dénégations suivies, quand la vérité finit par éclater, par des repentirs savamment concoctés par les as de la com’. Questions : qui peut croire que tout cela ne pouvait avoir de fâcheuses conséquences ? Qui peut croire qu’un smicard, un retraité ou un cadre moyen, apprenant que des millions d’euros sont distribués aux copains-coquins ou bien encore soustraits au fisc – ce fisc si impitoyable à l’égard du contribuable anonyme – ne seraient pas tentés de voter pour le seul parti qui promet un grand ménage ?
On parle beaucoup des excès des jeunes de banlieues mais, le bon sens populaire sait bien au fond de lui-même qui sont les vraies racailles et qui sont les vraies crapules. C’est celles qui pensent qu’un mandat électoral leur ouvre la voie à tous les privilèges et les exempte du moindre devoir et de la première des obligations qui est celle de respecter la loi. Question : que pense aujourd’hui un électeur, plutôt très droitier de l’UMP, et dont on a sollicité la générosité pour combler le trou financier de son parti ? Qui veut parier contre le fait que l’idée de voter Front national est en train de s’imposer à lui.
Poursuivons. A qui la faute ? A François Hollande, bien évidemment. Deux ans à peine après son élection – applaudie à l’époque par le présent chroniqueur – son théâtre des opérations est totalement dévasté. Ça devait régler son compte à la finance, ça devait redonner espoirs aux ouvriers, aux chômeurs, aux jeunes, aux classes moyennes en quête de pouvoir d’achat. Au final, de dérobades en atermoiements, ça a fait tchoufa… Le moi-président a fait son coming-out en tant que social-démocrate, regardant la pointe de ses chaussures quand il se fait tancer par la Commission européenne et les chantres de l’austérité. A la question « la faute à qui ? » nombre de personnes horrifiées par la victoire du Front national répondent d’emblée « aux abstentionnistes ». Mauvaise réponse. L’abstention, dans ce cas précis, n’est rien d’autre que l’expression d’une perte totale de confiance surtout chez les électeurs de gauche. Ils ont élu quelqu’un qu’ils pensaient être socialiste, ils se retrouvent avec un président plutôt centriste et un Premier ministre que la droite, dite modérée, ne renierait pas. Belle embrouille n’est-ce pas ?
Certes, il y a eu les fameuses réformes sociétales. Une victoire à la Pyrrhus que le politiquement correct interdit de critiquer mais qui mériterait au moins d’être jugée à l’aune de l’opportunité stratégique. Dis-moi quelles sont les lois que tu fais passer au cours de la première partie de ton mandat – c’est à dire celle où les choses sont encore possibles car on est encore loin des prochaines échéances électorales – et je te dirai qui tu es. A ce sujet, ce n’est pas un hasard si le vote des étrangers aux élections locales a été repoussé aux calendes grecques car jugé non prioritaire et, surtout, dangereux sur le plan électoral. Finalement, ce n’était qu’une promesse gobée par nombre d’électeurs d’origine étrangère qui, dimanche 25 mai, ont décidé de rester chez eux…
Revenons à la première question. A qui la faute ? Aux médias, bien sûr. Pas tous. Certains, à l’image des radios du service public, ont fait un vrai effort pour mettre en perspective les enjeux du scrutin européen. D’autres, comme les télévisions, qu’elles soient publiques ou privées, ont préféré la chasse à l’audimat en ne cessant d’offrir des tribunes de choix à Marine Le Pen. Complicité. Quand on organise des débats construits pour n’être en réalité que des pugilats susceptibles de mobiliser du temps de cerveau utile, il ne faut pas prétendre que l’on ignore que c’est à celle qui criera le plus que reviendra la victoire et cela quels que soient ses arguments.
La faute à qui ? On ne peut, bien sûr, oublier la manière dont l’Europe se construit et évolue. Une chronique n’y suffirait pas mais il y a un élément important à retenir. La victoire du Front national aux élections européennes est aussi une conséquence directe de la manière dont a été géré le « non » français au référendum de 2005 sur le Traité constitutionnel. Au terme d’une période passionnante faite de débats et de prises de paroles multiples, des électeurs de gauche comme de droite avaient alors signifié leur refus d’une Europe qui ne serait qu’une vaste zone de libre-échange façonnée par les lobbies et le dogme de la concurrence. Leur message n’a pas été écouté. Ce mépris et ce manque de respect s’est, comme on dit, payé cash et il est à craindre qu’il reste encore des traites à honorer.
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Themenbezogene Interessenbindung der Autorin/des Autors
Der Autor ist Algerier. Er lebt seit langem als Journalist in Paris und hat sich auf die Entwicklung der arabischen Welt spezialisiert.