Torture: les Etats-Unis admettent avoir fauté
«A la suite des attaques du 9 septembre 2001, les Etats-Unis ne se sont malheureusement pas montrés à la hauteur de leurs propres valeurs, y compris de celles reflétées par la Convention». Devant le Comité des Nations Unies chargé de vérifier l’application de la Convention contre la torture, Mary Mcleod, conseillère juridique du Département d’Etat américain, a admis que son pays avait fauté. Cet aveu visait surtout l’administration Bush évidemment, Barak Obama ayant engagé des réformes afin que les Etats Unis «respectent leurs obligations légales».
Détention secrète
Les réformes comprennent l’engagement présidentiel de prohiber la torture partout où s’exerce la juridiction américaine et non seulement sur le territoire national. Cela inclut la base navale de Guantanamo Bay à Cuba, la prison de Bagram en Afghanistan, ainsi que tous les vaisseaux et avions enregistrés aux Etats-Unis. Le Comité remarque toutefois que malgré cet engagement, qu’il salue, les réserves posées précédemment par le pays à l’application extraterritoriale de la Convention n’ont pas encore été levées. Il s’inquiète aussi des suites données au programme de transfert de prisonniers dans des lieux de détention secrets et des programmes d’interrogation menés par la CIA ou «délégués» entre 2001 et 2008 (la période couverte par le rapport commence en 2006, soit deux ans avant l’élection de Barak Obama).
Etant donné le peu d’informations fournies par les Etats-Unis à ce propos, les experts en appellent à la déclassification rapide des documents de la CIA et à la poursuite des responsables de violations. Ils rappellent à toutes fins utiles que la détention dans un lieu secret est en soi une violation de la Convention. La délégation américaine de son côté a assuré que la CIA avait fermé tous ses lieux de détention.
Guantanamo, promesse non tenue
Les conditions d’emprisonnement à Guantanamo Bay figurent en bonne place dans les remarques du Comité, comme des organisations non gouvernementales (ONG) qui ont alimenté l’examen (quelque 65 rapports alternatifs ont été soumis par la société civile). Ces conditions sont contraires à la Convention, à commencer par la détention sans limites de temps et sans charges, ainsi que certaines méthodes d’interrogation, rappelle fermement le Comité. Il demande aussi, entre autres, la fin de l’alimentation forcée des détenus en grève de la faim et l’accès libre à la base pour le rapporteur du Conseil des droits de l’homme sur la torture. Barak Obama avait promis de fermer ce lieu, mais douze ans après son ouverture, a souligné l’organisation Human Rights Watch dans son propre rapport, sur les 149 prisonniers actuels, seuls 7 ont été jugés, et devant une commission militaire, ce que regrette aussi le Comité.
L’isolement en prison est un traitement inhumain
La portée de la Convention s’étend à «la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants». Les abus des forces de l’ordre et les conditions de détention dans les prisons américaines sont en ligne de mire. Si les premiers font régulièrement la une des médias, les secondes sont moins connues, notamment la pratique de l’isolement.
Le gouvernement américain assure que cette mesure n’est utilisée que parcimonieusement, mais les ONG et l’ONU ne sont pas de cet avis. Selon l’organisation Solitary Watch, un décompte précis est difficile à établir, mais un recensement de prisonniers datant de 2000 dénombre près de 90 000 personnes en isolement. D’autres sources plus récentes parlent de quelque 80 000 cas sur tout le territoire. Cette mesure est appliquée pour des raisons administratives ou punitives. Elle consiste à l’enfermement dans des cellules de moins de 9 m2, 22 ou 23 heures par jour, pratiquement sans aucun contact extérieur, voir sans interaction humaine du tout. Le rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme sur la torture, Juan Mendez, a estimé en 2013 que l’isolement était un traitement inhumain qui pouvait être assimilé à de la torture, ne devait en aucun cas être appliqué aux mineurs ou aux personnes ayant des problèmes psychologiques, et devait durer le moins de temps possible, soit quelques semaines. Les séquelles sont en effet sérieuses sur l’état physique et psychologique des prisonniers. Le Comité contre la torture a repris les exigences de l’expert du Conseil des droits de l’homme dans ses recommandations. Selon Human Rights Watch, le minimum usuel pour les isolements administratifs est de 12 mois et la moyenne nationale de 3 ans. En Californie, le temps moyen d’isolement est de 7 ans et demi, et certains prisonniers ont passé plusieurs décennies dans ces conditions.
Le Comité a encore passé en revue des abus en matière de justice juvénile, de renvoi des migrants, de violences en prison, de peine de mort ou d’usage des armes à décharges électriques (Taser). Les Etats-Unis sont priés de produire des informations complémentaires en novembre 2015 et leur prochain rapport en 2018. Le dialogue reprendra cependant avant puisque les Etats-Unis passeront leur Examen périodique universel devant le Conseil des droits de l’homme dans six mois.
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